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Etienne, Duc d'Aquitanie
post 09/01/08 , 9:42
Message #41


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Ben c'est chacun son goût, y'en a qui aiment les descriptions... Par exemple ma mère (qui a eu envie de le lire ), c'était son passage préféré . Bon en même temps c'est pas vraiment son genre de bouquins, mais en fait là c'était juste que j'aimais bien l'idée que je me faisais des armes donc j'ai eu envie de le retranscrire. M'enfin tu as raison, ça fait un peu long donc j'élague.
Rho, faut pas en fair trop non plus. Je pense que couper le paragraphe en deux ou en trois (un paragraphe d'intro pour dire "oah, les armes" et un paragraphe pour chaque arme) aurait suffit. Là, tes ".." au début de chaque paragraphe ça fait trop résumé de cours sur fiches et pas assez récit. Vaut mieux tous les enlever, au risque de te décourager smile.gif. Arrête de traîner en prépa, Bel...smile.gif D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de voir ta prépa, c'est cool...
QUOTE
Dans quel sens ? Bisounours ? Les Elvin perdent ? Grandiloquent ? On reste sur sa faim ?
Ben le héros meurt...Et puis la grosse fin fataliste "je meurt mais finalement, c'est pas si noir"...Ca peut ne pas plaire à tout le monde, mis c'est pas une mauvaise fin de récit pour autant...
Titi


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Temus Duc de Gasconnie
post 13/01/08 , 19:48
Message #42





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Une fin bien originale...qui appelerait presque à une suite (ben voui quoi un des héros est mort le peuple va clamer la guerre pour le venger). Très agréable à lire, fluide avec pour seul reproche des personnages trop "parfait": ils ne laissent jamais leur émotions déborder sauf la haine, ils éprouvent toujours des émotions d'ailleurs (tu n'es pas obligé d'en mettre à chaque fois qu'ils parlent ou qu'ils font quelque chose) mais ne les laisse jamais transparaître sauf sur leur lit de mort. Pas de panique...ok ce sont des elfes mais quand même. Ils ont le droit d'être en proie aux doutes et à l'hésitation.

Sinon c'est très bien.


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Le chevalier bretonnien n'a peur que d'une chose:
Tomber en disgrâce.
C'est pour ça que nous ne pouvons perdre:
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Belannaer
post 14/01/08 , 20:02
Message #43


Chicaneur Double-Face
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qui appelerait presque à une suite (ben voui quoi un des héros est mort le peuple va clamer la guerre pour le venger)
Argh. C'est pas que j'ai pas aimé écrire, mais ça prend un temps et une concentration assez monstrueux. Peut-être dans un autre style alors smile.gif !

QUOTE
des personnages trop "parfait": ils ne laissent jamais leur émotions déborder sauf la haine, ils éprouvent toujours des émotions d'ailleurs (tu n'es pas obligé d'en mettre à chaque fois qu'ils parlent ou qu'ils font quelque chose) mais ne les laisse jamais transparaître sauf sur leur lit de mort. Pas de panique...ok ce sont des elfes mais quand même. Ils ont le droit d'être en proie aux doutes et à l'hésitation.
Ben ouais, c'est quand même des nenelfes qui défendent leur patrie avec un général plus que compétent à leur tête. Il est vrai qu'en temps normal ils auraient eu des moments de panique, et ce serait arrivé si Slithönn n'avait constamment tenté de les faire tenir, mais à la fin la situation est un peu spéciale : ils sont résignés. Quasi-nains. "Comme disait mon vénérable grand-père" (trouvez la référence et vous aurez approximativement une chance sur 963 d'être sélectionné pour le tirage au sort des deux-cent-cinquante-huitièmes de finale de Qui veut gagner des Elixirs Elfiques... ceci est un jeu gratuit sans obligation d'achat) : défenseur résigné, pas facile à déloger !
Pour les commentaires psychologiques intempestifs, j'essaierai de corriger dans un éventuel prochain récit happy.gif.

QUOTE
Une fin bien originale...
J'imagine que je dois le prendre comme le commentaire d'Etienne, de manière neutre ?

QUOTE
Très agréable à lire, fluide
[...]
Sinon c'est très bien.
Merci smile.gif.

Belannaer


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"Les dieux sourient aux armées ayant l'infanterie la plus disciplinée, la cavalerie la plus rapide, les archers les plus précis et les meilleurs généraux." Annuriel de Cothique
"Ne fais jamais ce que tu ne peux défaire avant d'avoir réfléchi à ce que tu ne pourras plus faire une fois que tu l'auras fait." Subtil, Roi des Six-Duchés
"On pardonne plus facilement aux autres d'avoir eu tort que d'avoir eu raison." Albus Dumbledore
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"La guerre, qui était cruelle et glorieuse, est devenue cruelle et sordide." Winston Churchill
"Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas les faire, c'est parce que nous n'osons pas les faire qu'elles sont difficiles." Sénèque
"Joueurs de tous horizons, viendez découvrir un monde fraternel où des joueurs viennent depuis des destinations lointaines et plus ou moins ensoleillées (Bamako, Belfast, Viroflay...) pour disputer des parties démesurées, découvrir de nouveaux jeux grâce à l'aide d'un maître en la matière, et d'autres divertissements aussi intense que nombreux!" Doomsword, Grand-Croix de l'Ordre du Sarcasme
"Les quatre éléments du Nain : Terre, Pierre, Fer,... Bière." Moua-mêême
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Etienne, Duc d'Aquitanie
post 15/01/08 , 14:42
Message #44


Architecte de l'Ombre
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Ben ouais, c'est quand même des nenelfes qui défendent leur patrie avec un général plus que compétent à leur tête. Il est vrai qu'en temps normal ils auraient eu des moments de panique, et ce serait arrivé si Slithönn n'avait constamment tenté de les faire tenir, mais à la fin la situation est un peu spéciale : ils sont résignés. Quasi-nains. "Comme disait mon vénérable grand-père" (trouvez la référence et vous aurez approximativement une chance sur 963 d'être sélectionné pour le tirage au sort des deux-cent-cinquante-huitièmes de finale de Qui veut gagner des Elixirs Elfiques... ceci est un jeu gratuit sans obligation d'achat) : défenseur résigné, pas facile à déloger !
Belannaer ou "lézelfcéléplufor"...Rho là là, c'est terrible, hein...
Tu dis, ouais c'est des elfes qui défendent leur bout d'gras, mais c'est pareil pour tout le monde, à peu de choses près...
Donc question : pourquoi on parle de psychologie, si tout le monde est pareil en défendant, et si personne ne subit des effets décourageants ou terrifiants ?
En gros, c'est pas parce qu'ils ont un super général qu'ils vont pas avoir d'émotions, c'est juste qu'ils vont mieux les maîtriser...
Du coup, il peuvent avoir des émotions et les combattre, ça ferait une petite touche de réalisme en plus...
Une phrase de temps en temps suffirait à les rendre plus..."humains"...
Titi


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Temus Duc de Gasconnie
post 16/01/08 , 2:22
Message #45





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J'imagine que je dois le prendre comme le commentaire d'Etienne, de manière neutre ?
Tu peux même le prendre bien pour une fois ce n'est pas empli d'ironiemais plutot un commentaire pensif. (pour autant qu'un commentaire puisse être pensif). J'apprécie de ne pas avoir une super fin bisounours où tout le monde s'embrasse dans de franche accolade. C'est bien!


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Belannaer
post 10/05/08 , 0:05
Message #46


Chicaneur Double-Face
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Du coup, il peuvent avoir des émotions et les combattre, ça ferait une petite touche de réalisme en plus...
Une phrase de temps en temps suffirait à les rendre plus..."humains"...
J'ai modifié, pas énormément, mais comme tu avais dit, "une phrase de temps en temps". Quatre ou cinq, je crois, effectivement c'était une bonne idée, j'aime bien.

QUOTE
Tu peux même le prendre bien pour une fois ce n'est pas empli d'ironiemais plutot un commentaire pensif. (pour autant qu'un commentaire puisse être pensif). J'apprécie de ne pas avoir une super fin bisounours où tout le monde s'embrasse dans de franche accolade. C'est bien!
Eh bien tant mieux alors, tu m'en vois réjoui smile.gif.

Bon, comme j'aime pas moi-même lire les récits post par post, et que je préfère faire ça joliment, et que comme ça, ça me permettra de repasser devant les Stormfist wink.gif, je poste ça au propre.








.............................................................................Siège.............................................................................


L'opération s'annonçait bien plus ardue qu'ils ne l'avaient imaginée. Ces Elfes Noirs avaient décidément un général compétent à leur tête, même si c'était difficile à admettre. Loin de se ruer droit devant vers la Porte du Défilé, l'armée avait progressé avec précautions en laissant toujours des colonnes de patrouille chargées de protéger les arrières. Et maintenant, voilà que les plus discrets des Chasseurs Emeraudes de tout Elvindor étaient près de se faire repérer. « Et d'une manière très stupide », pensa Faëdenn, le Chasseur Furtif.

Une colonne d'Elfes Noirs avait été envoyée, et, profitant que celle-ci s'était écartée, les Chasseurs s'étaient rapprochés au maximum des Ennemis Noirs pour évaluer leur nombre, et avaient alors découvert une chose qu'ils n'attendaient pas, une chose qu'ils devaient absolument rapporter à la Porte s'ils voulaient qu'elle ait une chance de tenir.

Mais voilà que, imprévisiblement, une deuxième colonne, plus nombreuse, quittait le gros des troupes et se rapprochait dangereusement, alors que la première revenait justement, de telle manière qu'ils étaient pris entre les deux. Le général Noir devait avoir remarqué que, s'il craignait une embuscade ou un coup tordu, c'était le moment idéal. Ils seraient repérés d'une minute à l'autre, et le plus tard serait le mieux. Il ne restait plus qu'une solution pour avertir la Porte à temps.

***

Le vent sifflait aux oreilles de Slithönn et le vacarme de l'armée ennemie en marche était presque assourdissant. C'était une journée noire, à la fois au vu de la bataille acharnée qui s'annonçait et du temps qui n'avait jamais paru si sombre depuis des années ; bien que le soleil fût passé depuis peu par son zénith, on y voyait à peine comme au début du crépuscule, et l'orage qui s'annonçait pompeusement n'allait pas tarder à éclater ; on observait déjà des éclairs, plus haut dans les montagnes.

"Au moins, ce n'est pas une belle journée gaspillée par des heures de massacres", pensa Slithönn, les idées aussi sombres que le ciel. La perspective d'une bataille l'avait toujours mis d'humeur massacrante, et tant pis pour les massacrés en question. Ses pensées revenant, à la lumière d'un éclair, à l'armée ténébreuse des Druchii qui s'avançaient vers la Porte du Défilé en rangs espacés en prévision des tirs, il songea : "N'empêche que ce temps nuit à la visibilité des Tireurs et ce vent déviera leurs tirs, sans parler de la pluie qui s'annonce... enfin, elle nous gênera uniquement si l'on résiste jusqu'au début de l'orage. Heureusement que les Balistes ne se formaliseront pas de ces détails."

Sans un mot, il leva son épée, Verlame, attendit quelques secondes, puis, quand il jugea à portée le cinquième rang des Arbalétriers qui progressaient rapidement, l'abaissa d'un coup sec.

***

Le tiers de la troupe de Chasseurs s'éloigna le plus rapidement et silencieusement possible vers l'ouest. Les deux derniers tiers se positionnèrent le plus loin possible du milieu estimé du lieu de rencontre entre les deux colonnes qui se déplaçaient de sorte à couvrir la surface maximale. La réussite de ce plan désespéré reposait uniquement sur la vitesse et la discrétion du premier groupe : ceux-là devaient s'extraire de la tenaille sans se faire repérer. Bien sûr, toute la troupe aurait pu tenter le coup, ce qui aurait évité de livrer bataille, mais elle aurait été trop bruyante pour des oreilles d'elfes ; l'affrontement était inévitable, et sans ce plan ils n'auraient aucune chance de s'en sortir.

Ils les aperçurent enfin. Les premiers membres de la patrouille quittant l'Armée Noire avançaient avec précaution, scrutant les épais feuillages. Les Chasseurs seraient repérés dans quelques secondes.

« Vous avez appris à courir, c'est maintenant que cela va vous servir... », murmura Faëdenn. Il s'élança alors hors du taillis, suivi en même temps de ses compagnons et du cri d'alarme immédiat de plusieurs sentinelles Druchii. Les Chasseurs lancèrent tous d'un même mouvement un unique javelot, créant une gracieuse courbe de traits qui causèrent en un instant la mort de plusieurs membres de la patrouille, mais trop peu : les Elfes Noirs se déplaçaient très espacés.

Ils coururent alors dans la direction convenue, coururent comme jamais ils n'avaient couru, car jamais ils n'avaient dû s'en remettre à leur seule vélocité pour avoir une chance de survie. Les Elfes Noirs les talonnaient, ivres d'envies meurtrières, trop pressés de massacrer leur ennemi fuyant pour se servir de leurs arbalètes. Au même instant, la seconde patrouille, alarmée par le bruit de la poursuite, comprit la situation et imita la première. Même en comptant le tiers qui avait apparemment réussi à se faufiler hors de vue des Druchii, les Chasseurs étaient au moins deux fois inférieurs en nombre. L'espoir était bien maigre.

***

Les Balistes commencèrent aussitôt à chanter. Les rangs d'arbalétriers, à partir du cinquième, se clairsemèrent nettement, les carreaux semant la mort tels un souffle toxique et meurtrier. C'était une technique que Slithönn affectionnait : les premiers rangs, privés de ceux de derrière qui normalement les auraient poussés vers l'avant, cédaient et refluaient plus rapidement, entraînant les autres avec eux ; bien que, nécessairement, la marée incessante, par ses vagues successives, finît toujours par atteindre les murailles.

Mais cette armée d'Elfes Noirs était des plus déterminées : les premières lignes s'arrêtèrent, et, loin de se replier, reformèrent les rangs et repartirent au même rythme, avec une discipline exemplaire. Alors, les servants des Balistes, entraînés par de nombreuses batailles, s'activèrent de plus belle, et la deuxième salve de carreaux, avec un délai exceptionnellement court, parut faire douter les Druchii ; mais les exhortations menaçantes des champions et les dures sonorités des tambours et des cors de guerre enhardirent les Guerriers Noirs, qui de nouveau se reformèrent et continuèrent leur avancée.

Ce serait bientôt le tour des arcs composites des Tireurs Blancs, dont la grave symphonie avait toujours ému Slithönn, même lors des batailles les plus noires. Les Tireurs étaient positionnés sur le deuxième mur, construit de main de maître, et surtout de main stratégique : sur la première muraille, assez basse, se tenaient les combattants, tels que les Maîtres Massistes, capables de repousser les assauts brutaux et sanguinaires des Druchii, tandis que sur la deuxième, s'élevant plus haut que la première mais étant très rapprochée, pouvaient se placer les Tireurs Blancs et les Balistes : cela réduisait légèrement la portée des tirs, mais permettait aux archers la précision et le calme nécessaires ainsi qu'une meilleure protection, alors que les troupes de corps à corps encaissaient le choc de l'attaque bien plus efficacement que n'auraient pu le faire des archers.

Les Arbalétriers étaient à portée de tir des arcs composites. Une seconde fois, Slithönn éleva sa courte épée dans les airs, créant ainsi une légère traînée d'un vert scintillant : c'était une belle magie qui avait constitué cette arme. Une seconde fois, il abaissa Verlame, et une seconde fois un vol de projectiles acérés emporta la vie d'une multitude de Druchii. Les Balistes lancèrent un nouvel assaut à cet instant, et cette fois les dégâts furent même perceptibles depuis la Porte : les Elfes Noirs tombèrent par vingtaines. Mais ils ne reculèrent pas, ne ralentirent même presque pas, uniquement le temps de reformer une nouvelle fois les rangs. Quelle haine profonde et insatiable pouvait être assez puissante, assez aveuglante pour pousser ces Druchii à essuyer une telle grêle de mort sans broncher dans la seule perspective démente d'écraser des êtres pourtant si semblables à eux ?

Alors même que les Tireurs Blancs et les Balistes, ainsi que quelques Archers du Tigre, tiraient tant et plus dans l'espoir de ralentir les Arbalétriers, ces derniers s'arrêtèrent brutalement et un déferlement de carreaux vengeurs vint en réponse au flux de flèches qui s'écoulait des murs. Dans une autre situation, Slithönn aurait peut-être apprécié le spectacle de la pluie montante s'échappant de l'armée en contrebas pour venir ricocher contre les remparts.

Malheureusement, les traits furent nombreux à toucher leur cible, tant sur la première que sur la deuxième muraille. Les archers et fantassins tombèrent du haut des parois de pierre, poussant des cris de douleur et d'effroi qui ne ressemblaient en rien à la mélodie de la langue elfique. Un carreau se ficha dans le torse du Maître Massiste qui se tenait juste au côté de Slithönn, et du sang rouge bleuté s'écoula de la blessure : les carreaux étaient même empoisonnés. Le coup vida les poumons du massiste de tout leur air, et le hurlement qu'il aurait dû s'échapper de sa bouche agonisante, alors qu'il était projeté en arrière, fut inaudible. Alors, dans le cœur de Slithönn, l'incompréhension laissa la place à la détermination d'emporter autant de ceux qui souillaient sa terre et tuaient des membres de son peuple qu'il le pouvait avant de tomber à son tour.

« Tenez vos positions ! » C'était les premiers mots qu'il prononçait depuis que le capitaine des Tireurs Blancs l'avait quitté après avoir reçu les instructions. Des mots presque inutiles : ses combattants étaient à quelques exceptions près expérimentés et tiendraient, mais la voix de leur commandant leur permettait de se sentir appuyés dans l’épreuve extrême qu’ils allaient traverser.

« Attendez la première vague à l'abri des créneaux, il sera alors bien assez tôt pour observer l'ennemi arriver ! », cria-t-il au messager des Massistes qui répéta l'ordre en s'éloignant.

Une véritable horde de Corsaires munis d'échelles se détacha soudain de chaque côté des lignes ennemies pour se diriger au pas de course vers les côtés nord et sud de la Porte. Décidément, le Général Noir était capable : il avait fait le bon choix en envoyant cette unité à l'assaut des remparts : bien protégés des tirs grâce à leur cape en peau de dragons des mers, ils seraient particulièrement efficaces avec leurs deux armes pour vider la muraille de ses défenseurs ; de plus, même si les Corsaires n'étaient pas accoutumés à ce genre de combat, les abordages de navires s'y apparentaient fortement.

Slithönn parcourut l'armée qui lui faisait face pour évaluer les chances qui leur restaient : derrière les Arbalétriers, qui étaient tout de même visiblement un peu moins nombreux qu'au début de l'assaut, et au-delà des flancs où progressaient les Corsaires, se tenait dédaigneusement la Garde Noire, flanquée d'innombrables Furies et même de Chevaliers sur Sang-Froid, sans doute présomptueusement amenés pour finir le travail une fois que les portes auraient été contrôlées. Apparemment, les Elfes Noirs étaient persuadés de remporter cette bataille, alors que Slithönn, lui, ne trouvait pas la victoire des Druchii si acquise, même si elle était fort probable. Finalement, le général adverse avait un gros défaut : la prétention.

Pourtant, en observant l'Ost Noir, alors que les Corsaires atteignaient presque la Porte sous la pluie de flèches et de carreaux, sans même s'arrêter cette fois pour reformer les rangs, il trouvait que quelque chose n'allait pas ; comme un manque.

***

Les Chasseurs arrivèrent devant un épais taillis. Faëdenn songea aussitôt que ses compagnons avaient choisi celui-ci, et après un bref geste de sa main, la troupe poursuivie se divisa en deux pour contourner le fourré. Les Druchii déboulèrent derrière eux, accueillis par une volée de javelots sortis du taillis. Ils hésitèrent et s'arrêtèrent, ne sachant que penser de cette attaque alors qu'ils se sentaient en position de force, ni comment affronter cet ennemi sorti de nulle part. Un deuxième flot les percuta, en emportant encore un peu plus : les premiers Chasseurs s'étaient joints aux deuxièmes pour tirer.

Le Druchii qui semblait commander les deux patrouilles ordonna aux Ombres de se former en rangs, mais même si ces rangs étaient peu serrés, c'était un exercice peu commun pour ce genre de troupes. Faëdenn avait joué sur ces deux atouts pour élaborer ce plan : la surprise et l'incertitude ; les Ombres ne savaient pas comment réagir ni combien étaient leur ennemis. Pour l'instant, car ils ne tarderaient pas à s'apercevoir que le nombre de javelots par vague était faible ; javelots qui commençaient d'ailleurs à s'épuiser. La fin était décidément proche.

« Hivos, vas-y, dit Faëdenn à un jeune Elvindoren, robuste pour sa race. Pars, et va avertir la Porte de ce que nous avons vu. Ne proteste pas, car nous perdons du temps à chaque seconde et tu pourras ainsi sauver de nombreuses vies ; enfin, peut-être... Pars, laisse-nous, tu es trop jeune pour rejoindre les Rivages Blancs. Va, tant qu'ils ne nous ont pas encerclés. »

Il se retourna vers les ennemis qu'il ne voyait que peu, et Hivos partit en courant ; il venait sans doute de passer le cap de l'âge adulte. Quelques instants après, plus tôt que Faëdenn l'aurait imaginé, les Ombres les encerclèrent effectivement ; ils s'étaient apparemment rendus compte que leurs ennemis ne vaincraient finalement pas. « Bas les javelots, sortez les couteaux ! A présent, méritez votre trépas ! Pour Elvindor ! » Et, leurs émeraudes luisant faiblement dans l'étrange obscurité, les Chasseurs chargèrent ensemble.

***

La bataille faisait rage. Chacun des deux groupes de Corsaires avait finalement été repoussé par deux fois à force de tirs concentrés de la part des Tireurs Blancs, des Balistes et de la poignée d'Archers du Tigre. Mais ils étaient parvenus au niveau de la première muraille et les échelles, après être tombées de nombreuses fois, s'étaient inlassablement relevées et avaient, à renfort de maintes vies Druchii, réussi à s'implanter sur le rempart.

Les Maîtres Massistes avaient alors fait montre de la pleine mesure de leur talent, affrontant les Corsaires qui affluaient sur le mur, en les balayant par des gestes de grande envergure alors qu’ils montaient encore le long des échelles pour tenter de prendre pied sur le mur.

Mais les assaillants étaient toujours remplacés par de nouveaux, et par opposition chaque Elvindoren de perdu se faisait cruellement sentir. Pour l'instant, aucune portion de mur n'était débordée, mais le fragile équilibre ne tarderait pas à se rompre : soit les Elvindoren seraient repoussés, et seraient obligés de se replier, au prix d'un nombre plus grand encore de pertes, dans la seconde muraille.

Ou soit les nombreuses pertes adverses inciteraient les Druchii eux-mêmes à reculer. Car il ne fallait pas oublier les tireurs qui harcelaient sans discontinuer les troupes situées en contrebas de la Porte, troupes sans qui les assaillants du mur auraient bien moins de détermination, et troupes qui étaient partagées entre leur soif de sang et l'averse de traits, mais aussi de projectiles magiques qui les foudroyaient en continu sans qu'ils puissent réagir autrement qu'en poussant des cris de rage et de pure haine.

S'écartant quelques instants du parapet où il avait abattu tant d'ennemis qu'il en avait perdu le décompte, Slithönn jeta un œil aux quatre Enchanteurs qui s'activaient du haut du deuxième rempart. Il avait pleinement conscience que c'était un atout majeur pour eux, sans compter qu'il n'avait aperçu aucune Sorcière Elfe Noire dans les rangs ennemis, ni n'avait remarqué une quelconque intervention magique de la part des Druchii ; et il n'était pas dans l'habitude des Sorcières de se cacher dans l'Etat-major... Les Elfes Noirs, dans leur immense confiance en eux, avaient même négligé l'aspect magique de la bataille.

En conséquence, les sorts Elvindoren fusaient, et, à intervalles réguliers, des flamboiements d'un blanc immaculé surgissaient parmi les rangs ennemis, flammes purificatrices contrastant avec la noirceur des armures et des âmes Druchii. Quelquefois aussi, des ondes dorées et mouvantes partaient de l'endroit où se situaient les Enchanteurs pour aller se propager dans la masse immense d'ennemis en contrebas, et un moment après les projectiles qui continuaient sans relâche de s'abattre touchaient leurs cibles avec plus de précision, attirés par les ondes qui enserraient les Druchii. Autre point positif : les flèches et les carreaux, contrairement aux défenseurs, ne manquaient absolument pas. Les Tireurs se relayaient pour approvisionner le Second Mur en continu.

Comme aucune résistance n'était opposée à leur magie, les quatre Enchanteurs étaient prudents : l'un d'eux, Gliphadd, que Slithönn connaissait depuis maintes années, avait opté pour une autre forme de magie que la Vraie Magie, et s'occupait uniquement de maintenir un bouclier d'un bleu étincelant autour de ses compagnons et lui-même, abaissant considérablement le risque qu'ils reçoivent un carreau mal placé.

« Bien, très bien, remarqua mentalement Slithönn. Je suis entouré de combattants compétents, et encore plus de mon côté que du côté Noir. Venez, âmes impures ! Approchez, esprits du Mal ! A présent, bien que l'affrontement ne fasse que commencer, la confiance me revient... oui, je crois que nous pouvons tenir. »

Et il se jeta dans la bataille avec une ardeur renouvelée.

***

Hivos, arrivant à la lisière du bois, s'arrêta un instant pour contempler la scène qui s'offrait à ses yeux, et en profiter pour reprendre son souffle, même si son entraînement lui permettait de n'être que peu affecté par sa longue course.

A sa droite, entre la forêt dense et la Porte du Défilé, s'étendait la plaine, complètement recouverte par l'Armée Noire. D'où il se trouvait, il pouvait distinguer le mur assailli par les hordes Druchii, fourmis noires et assoiffées de sang qui escaladaient la façade brillante mais souillée par endroits de traînées rouges sombres. Des échelles se dressaient contre la paroi, portées par des Corsaires, et plus loin des Arbalétriers vomissaient un flot continu de carreaux, auquel répondait une averse de flèches et de sorts, seuls points lumineux et chaleureux dans ce paysage de froide obscurité.

Des Furies piétinaient d'impatience, autour d'un Chaudron de Sang aux dimensions cauchemardesques, aux côtés de la Garde Noire qui se différenciaient par leur superbe dédain envers ce qui se produisait à quelques centaines de mètres d'eux. Il voyait bien les Chevaliers sur Sang-Froid, mais aucun signe de... oui, il n'était que temps d'avertir la Porte. Même si, semblait-il, le Commandeur Slithönn et ses troupes se débrouillaient très bien, car il ne percevait en aucune portion de mur un quelconque signe de fuite ou de débordement. Mais s'il n'arrivait pas à temps, ça n'allait pas tarder à arriver...

Il s'élança alors, se dirigeant d'une course résolue vers les escarpements rocheux qui enserraient la Porte ; il avait déjà repéré le bas du passage qui le mènerait à l'intérieur du côté nord-est de la Porte. Il ne restait donc plus qu'à atteindre le passage sans se faire repérer, ce qui serait un jeu d'enfant étant donné la formation qu'il avait suivie, et monter le plus rapidement possible à flanc de montagne, pour annoncer au Commandeur ce que sa troupe et lui-même avaient remarqué. Et il devait également à tout prix s'efforcer de ne pas penser à ses compagnons.

***

L'orage éclata, et, alors même que la pluie commençait à marteler les armures dans un cliquetis métallique incessant, un cri d'avertissement monta du bas du mur, côté intérieur. Slithönn para la première attaque que lui portait un Corsaire, puis la deuxième aussitôt après, et enfonça Verlame dans la gorge du Druchii, à la jointure entre le casque et l'armure ; il se baissa alors qu'un deuxième Corsaire lui portait un coup de taille à la tête, lui décocha un puissant coup de pied, et alors que son adversaire basculait à bas du mur, il bondit, traversant la courtine, et fondit vers l'escalier qui menait au sol. Il regarda alors en contrebas et son c'ur s'arrêta.

C'était cela. Cela qui manquait. Comment avait-il pu être aussi imprévoyant ? Bien sûr, les Exécuteurs. Oui, bien sûr ! Et ils étaient là, à présent ; là, dans l'enceinte même de la Porte ! Comment était-ce possible ? Son regard effaré rencontra alors le petit gouffre à l'intérieur de la roche par lequel se déversaient les Exécuteurs. Le tunnel ! Ils avaient découvert le tunnel ! Non, impossible. Eh bien, apparemment, si, possible ; mais au prix de combien de meurtres et de tortures ? Oui, combien...

Là n'était pas le problème. Le fait était accompli, et Slithönn se devait de tenter à tout prix de contenir le flot d'Ennemis Noirs qui affluaient du tunnel.

« Minfeös ! lança-t-il au commandant des Massistes. Prends la moitié de tes soldats et cours au bas du mur ! Nous sommes attaqués de l'intérieur ! Oui, la moitié, confirma-t-il au Massiste incrédule, les autres vont devoir se battre de pied ferme ! Remarque, pas plus que nous, je pense, ajouta-t-il tout bas. »

Sur ce, il se jeta dans les étroits escaliers, et courut prêter main forte aux quelques Lanciers de réserve qui étaient maintenant bien plus qu'occupés, et qui avaient attendu que les Exécuteurs soient refoulés par une averse de traits avant de recevoir leur charge. Ils étaient à présent en bien mauvaise posture et commençaient à fléchir, près de céder à la panique. Il sentit cependant le courage des Elvindoren se raffermir lorsqu’il se rua entre les rangs en les exhortant à tenir. Quand il parvint aux lignes Druchii, la fureur du combat l'avait déjà emporté, ce qui était rare chez lui, et témoignait de toute la rancœur qu'il avait accumulée à l'égard des Traîtres Noirs.

Sans même sembler s'en rendre compte, il fauchait ses ennemis, parait, ripostait, plongeait Verlame dans les corps impurs pour l'en ressortir aussitôt ; il tailla à nouveau, se jeta sur un ennemi, lui porta une estocade qui transperça purement et simplement l'armure noire, puis se fraya un chemins à grands coups d'épaule dans les rangs d'Exécuteurs qu'il désirait à présent exterminer, tous autant qu'ils étaient, pour en finir avec tout ce sang qui coulait. Son style de combat méthodique s'était mué en une rage furieuse et dévastatrice, et il emportait un nombre impressionnant d'ennemis, sans se soucier des multiples entailles qui couvraient à présent son corps entier. Il eut vaguement conscience de l'arrivée des Maîtres Massistes, qui rétablissait la balance et installait le combat dans un enlisement qui promettait de durer un temps insupportable.

A cette idée, sa fureur monta encore d'un cran, et il balaya deux Exécuteurs d'un seul revers de sa lame, puis se projeta, bouclier en avant, sur un autre ennemi qui tomba en arrière à la force du choc, l'acheva d'un coup d'estoc dirigé vers sa poitrine en enfonçant son arme de tout son poids, puis arracha Verlame, provoquant un gargouillement de sang qui afflua jusque hors de l'armure ; il sauta pour éviter un coup vicieux aux jambes, et en retombant, abattit Verlame sur le crâne de son agresseur. Pendant quelques instants, il continua de déverser son flot de coups d'épée, de bouclier, de pied, de genou quelquefois, il continua de frapper, d'esquiver, de couper, de se baisser, de transpercer... Apercevant du coin de l'œil une attaque de taille au torse, il balaya la grande lame adverse d'un revers de bouclier alors même qu'il enfonçait son arme dans le flanc de l'Exécuteur imprudent. Il sentit une faible douleur dans son dos, fit décrire à son arme un arc de cercle vertical en même temps qu’il se retournait rapidement, et Verlame alla se ficher profondément dans l’épaule de l’Exécuteur qui l’avait attaqué par-derrière et qui s’effondra en hurlant. Derrière ce dernier et tout autour de Slithönn, d’autres Exécuteurs ; nombreux.

Il avait donc progressé si loin ? Sa froide rigueur commença à reprendre la place dans son esprit. Il devait trouver un moyen d'arrêter cette boucherie. Mais d'abord, s'extirper de ses ennemis. Par où ? Il avait complètement oublié d'où il était venu. Il choisit une direction, et commença à s'y avancer le plus rapidement possible, cette fois en parant et évitant les coups plus qu'en en donnant. Curieux, comme il paraissait bien plus simple de traverser des rangs serrés d'Exécuteurs en furie lorsqu'on était emporté par la rage du combat' Il aperçut les lances miroitantes, et se pressa encore plus, alors que son bouclier encaissait des dommages irréparables, et que son bras gauche commençait à faiblir. Il tua enfin trois ennemis et se retrouva entouré de ses compagnons ; un hourra s'éleva alors de plusieurs gorges, repris par d'autres, dans lequel il sembla à Slithönn qu'on prononçait son nom.

« Ah, vous êtes en vie ! s'exclama Minfeös, surgissant à ses côtés. Tous m'ont dit qu'ils craignaient que vous ne fussiez tombé...
- J'ai simplement pénétré la formation ennemie... Ai-je donc été absent si longtemps ?
- Une demi-heure, Commandeur.
- Tant que ça ? » Slithönn avait du mal à le croire. Il avait donc manqué à ses fonctions une demi-heure durant, et tous le croyaient mort ; et ses soldats avaient tenu bon ! Slithönn leur rendit mentalement grâce. Il devait se reprendre en main. « On ne se rend pas compte du temps qui s'écoule, avec cette obscurité. Quelle est la situation ? »

***

Le cœur d'Hivos se serra si fort dans sa poitrine qu'il en eut un instant le souffle coupé. C'était trop tard. Ah, il avait été trop lent' Les Exécuteurs se répandaient dans l'espace qui se trouvait entre les deux murailles. Un déluge de flèches s'abattit sur eux par deux fois, les faisant reculer, puis ils se ruèrent à nouveau sur les Lanciers, avec une ardeur plus grande encore. Hivos contemplait le combat, muet de stupeur et de honte. De quoi allait-il avoir l'air, en faisant son rapport, en annonçant que les Druchii avaient trouvé le passage sous la montagne ?

Il observa la charge furibonde d'un Elvindoren fou de rage, vif comme l'éclair, flèche d'un vert éclatant traversant les rangs ennemis avec une facilité déconcertante, emportant la vie de tous les Elfes Noirs qui s'interposaient. Cette vision le ramena à la réalité, et il dévala le peu de chemin qui lui restait à parcourir. Il sauta et atterrit sur la seconde muraille, puis chercha le capitaine des Tireurs Blancs, tout en levant les mains pour rassurer les archers qui le regardaient avec des yeux ronds. Quand il trouva le capitaine, les Tireurs Blancs avaient recommencé à tenter encore et encore de contenir leurs ennemis, et Hivos courut vers lui, puis, après les formalités d'usage, lui décrivit d'une seule traite tout ce qu'il avait fait et vu, sans toutefois lui dire ce qu'il pensait du sort de Faëdenn et ses autres compagnons. Le capitaine le déduirait seul.

***

« Assez mauvaise, Commandeur. Les pertes Druchii sont lourdes, mais nous tenons tout juste ici, et le mur sud-ouest est en train d'être débordé : certains Massistes commencent déjà à abandonner le combat, mais l’Etat-major veille à les renvoyer à leur poste, même s’ils ont de plus en plus de mal. Un messager des Chasseurs Emeraudes est arrivé, il a des nouvelles qui n'en sont plus : il était venu prévenir que les Exécuteurs avaient été vus en passant dans le souterrain... Il est arrivé quelques minutes trop tard. Apparemment, tous les Chasseurs ont péri peu de temps après son départ.
- J'irai plus tard le rencontrer. Le plus urgent est cette marée d'Exécuteurs. Nous ne tiendrons pas longtemps, et c'est déjà un miracle que les défenseurs se battent encore. Il y a tant d'ennemis... Nous devons absolument protéger l'escalier vers la deuxième muraille.

Se retournant pour regarder l'affrontement, il sentit avec horreur son dos l'élancer abominablement. Il lui semblait jusqu'alors que cette entaille n'était qu'un simple coup dur. Il étouffa sa plainte, mais Minfeös perçut son malaise soudain et porta ses yeux sur l'échine de Slithönn. Son regard s'assombrit et il dit d'une voix faible :

« Votre amure est sérieusement abîmée. Vous êtes blessé à un point qu'il ne faut pas négliger, Commandeur. Vous ne sentiez pas la lésion avant, la colonne est donc épargnée ; mais même si le coup n'est pas mortel, vous devez cesser de vous battre pour ne pas l'aggraver.
- Plus tard pour les attentions, nous sommes en guerre. Qu'en est-il du mur ?
- Si nous voulons le reprendre, dit Minfeös, subitement très formel, nous aurons besoin de presque tous les défenseurs qui sont ici. »
Presque tous les défenseurs... alors qu'il aurait justement fallu presque tous ceux du mur pour prêter main forte au sol...

L'idée surgit.
Non, trop risquée.

Mais leur restait-il une autre solution ? Slithönn n'en voyait pas. La situation en valait-elle la peine ? Sans aucun doute : si la démarche réussissait, la balance se rééquilibrerait, et ils pourraient peut-être même reprendre le mur, et causer d'autres dommages à l'Armée Noire avant de sombrer.

« Fais descendre une centaine de soldats de plus du mur, ainsi qu'au moins le même nombre de Tireurs Blancs. Cent cinquante devraient suffire.
- Mais... Voyons, bredouilla Minfeös, je viens de vous dire qu'il fallait plus de soldats sur le mur, et...
- J'ai parfaitement compris. Tu n'as pas confiance ?
- Si, bien sûr. Tout de suite, Commandeur.

Il s'évanouit rapidement dans la foule. Slithönn commença d'arpenter hâtivement la formation disparate, en ordre remarquable au vu de la situation, encourageant ses soldats à tenir et faisant passer le mot, dans les lignes les moins accaparées par les combats, qu'il faudrait bientôt donner une charge déterminante. A chaque fois, les défenseurs objectaient qu'ils étaient déjà presque débordés. A chaque fois, Slithönn leur priait d'avoir confiance. Et ses soldats avaient confiance.

Autour de lui, tout n'était que combat. Les Exécuteurs gagnaient rapidement du terrain, emportant presque autant de Massistes et de Lanciers que ces derniers qui faisaient preuve d'une détermination à toute épreuve. Sur la première muraille, des Elvindoren, morts ou vifs, dégringolaient à intervalles réguliers, et d'autres succombaient sous les coups furieux des assaillants. Seule la deuxième muraille conservait un calme relatif, qui devait à tout prix être conservé. Mais Slithönn sut qu'il ne durerait plus que quelques instants. Les Elvindoren étaient à bout.

Il s'élança alors dans l'escalier même qui ne devait pas tomber, et quelques instants plus tard, courut en direction des Enchanteurs. Gliphadd avait cessé de maintenir le bouclier céleste, et s'appliquait à ajouter son talent à celui de ses trois compagnons, notamment en faisant naître des éclairs qui paraissaient toutefois naturels dans cette atmosphère, et qui causaient des ravages dans l'armée en contrebas. Deux autres Enchanteurs avaient abandonné l'armée principale pour se concentrer sur les Exécuteurs, limitant les dégâts qu'ils causaient, et se démenaient pour envoyer de redoutables projectiles magiques. Slithönn se rendit compte qu'il aurait pu recevoir une boule de feu hurlant sur la tête lorsqu'il avait traversé, frénétique, les lignes ennemies.

Détournant la concentration de Gliphadd, il lui expliqua son idée, en prévoyant le froncement de sourcils qui s'ensuivrait indéniablement. Il s'ensuivit effectivement, mais Gliphadd ne dit rien, acceptant de l'aider dans sa tentative, et se tourna vers ses compagnons pour leur faire part du plan de Slithönn. Ce dernier, qui ne devait perdre aucun instant, s'éloigna rapidement, et, après avoir constaté que les Tireurs Blancs étaient déjà presque tous descendus au sol, s'engagea une nouvelle fois dans l'escalier de pierre blanche. Il ne comptait pas que les Tireurs soient un réel appui au niveau des pertes ennemies, mais plutôt du point de vue du nombre.

Arrivé en bas, il donna l'ordre à Minfeös, qui était revenu du premier mur, de faire retirer les soldats au contact avec les Exécuteurs pour que les troupes plus fraîches, bien que ce ne fût que relatif, qui venaient du mur, chargent devant. Quelques instants plus tard, les Exécuteurs avançaient de plus belle, croyant que leur ennemi reculait enfin, mais subirent alors un assaut de plein fouet de tous les Maîtres Massistes, Lanciers et Tireurs Blancs qui avaient pu être rassemblés ; et, comme l'avait prévu Slithönn, la violence de l'assaut les fit reculer bien plus qu'ils n'avaient avancé dernièrement.

Mais l'élan s'estompait rapidement, et l'équilibre allait très bientôt revenir, alors que les Exécuteurs s'apprêtaient de nouveau à reprendre pied à une cinquantaine de pas de l'ouverture du passage. Bon nombre avaient été obligés de rentrer de force dans le souterrain pour éviter de se faire piétiner, et même s'il restait environ cinq ou six cents ennemis à l'air libre, Slithönn était persuadé que la majorité des Exécuteurs étaient encore dans le tunnel, à essayer de sortir.

Sans perdre de temps, il dressa Verlame bien haut, et, en appelant aux pouvoirs de son arme, en fit jaillir un mince filet de lumière verte étincelante qui fusa droit dans les airs ; c'était le signal convenu avec Gliphadd. Dans le même temps, avec sa main gauche, il arracha de son cou une pierre diaphane, retenue par une mince chaînette d'or, et qui n'avait de remarquable que sa pureté absolue. Il la tenait de sa mère, qui n'en avait pas trouvé d'usage, heureusement. Mais Slithönn était sûr que cette situation était précisément le genre d'occasions pour lesquelles cette pierre avait été confectionnée. Il lança le petit objet de toutes ses forces en direction de l'ouverture dans le roc, tout en prononçant des mots de pouvoir en elfique ancien.

***

Hivos acheva son ennemi tombé à terre d'un bref coup de dague, se releva, para une attaque de son arme gauche et enfonça celle de droite dans l'armure du guerrier Noir. Aussitôt après, un Furie bondit sur lui, ses deux armes écartées, prête à les rabattre de part et d'autre de son torse. Il esquiva avec habileté, frappa le flanc de la Furie avant même qu'elle ne soit retombée, et se retourna immédiatement. Comme il l'avait prévu, un autre assaillant se précipitait déjà sur lui. Les ennemis ne manquaient absolument pas sur le premier mur, loin de là.

Après avoir fait son rapport au capitaine des Tireurs Blancs, il avait tout de suite emprunté la passerelle qui menait de la mi-hauteur du second mur au premier, car il avait largement besoin de défenseurs supplémentaires, les Furies ayant à leur tour pris part à la bataille ; on lui avait alors assigné pour tâche la défense de cette même passerelle, coûte que coûte, car c'était le seul moyen, avec l'escalier du bas, d'accéder au second mur. Heureusement, les Exécuteurs qui se battaient en contrebas, du mauvais côté du mur, n'avaient pas encore atteint le niveau des deux escadrins menant aux deux murailles ; Hivos n'osait même pas imaginer quelle serait la situation s'ils parvenaient à attaquer le premier mur eux aussi. Ce serait la fin, sans doute. Mais les Exécuteurs avançaient irrémédiablement, pas à pas.

Alors qu'il tentait une fois de plus de se débarrasser d'un Druchii, son œil fut attiré par un mouvement anormal à quelques centaines de pas de la porte. Il esquiva non sans mal le coup porté par le Corsaire, lui appliqua un coup précis à la rotule qui lui broya le genou, et profita de cet instant de répit pour examiner ce qui se passait.

Un énorme bélier progressait magistralement parmi l'essaim compact d'Âmes Noires. Sa puissante tête de manticore, faite d'un métal noir comme la forêt nocturne, reposait sur un tronc tellement colossal qu'il avait sans aucun doute été constitué de plusieurs arbres millénaires. Le tout était monté sur une gigantesque armature de fer, doublée d'un toit de texture étrange ; il était impossible à Hivos d'en indiquer le matériau, qui recelait sans doute des traces de Magie Noire, et devait résister à toutes sortes d'attaques, par les coups ou le feu. Vraiment, le général Noir était impitoyable, pensa Hivos, avant de se rappeler que c'était un Druchii, et qu'il avait probablement déjà causé la mort de plusieurs milliers d'Elvindoren : qu'attendre de plus de lui que férocité implacable ?

Il ne leur restait plus qu'à tenter de se défendre de ce nouvel assaut avec tout le courage, bien ténu, qui leur restait. D'ailleurs, comment en serait-il autrement ? Ils étaient assaillis de toutes parts, par un ennemi au moins six fois plus nombreux qu'eux, ils étaient épuisés ; en outre, chaque fois qu'ils croyaient que rien ne pouvait être pire que leur situation, un nouveau danger se déclarait, et tous avaient à l'esprit qu'à l'est et au sud, maintes places fortes étaient également prises d'assaut.

C'est alors que la montagne explosa.

***

Slithönn ne sut si ce fut la chute de la comète invoquée par les quatre enchanteurs réunis ou l'explosion du pendentif qui se produisit en premier. Quoi qu'il en soit, tous les alentours de la sortie du tunnel se nimbèrent d'un halo rougeoyant et aveuglant, alors que le sol, la montagne et la pierre ancestrale des fortifications s'ébranlaient et vibraient avec une puissance formidable, et qu'un souffle de chaleur ardente agressait tous les visages. Dans le même temps, un vacarme phénoménal se fit entendre, et l'air se mêla d'une odeur de soufre, de cendre et de chair brûlée.

Peu à peu, l’épaisse fumée se dissipa en partie. Les dégâts étaient considérables. La montagne était généreusement entamée à sa base, et le nombre de morts était stupéfiant ; Slithönn remarqua avec amertume que certains des Elvindoren qui se trouvaient aux premières lignes avaient eux aussi été emportés. Un mur de feu s’étendait le long de la paroi rocheuse, d’une muraille à l’autre. Il empêchait ainsi, si la sortie du souterrain n’était pas totalement effondrée, ce qui était fort improbable, d’autres Exécuteurs de pénétrer dans l’enceinte de la Porte, et affolait les Druchii survivants, fort peu nombreux, qui étaient à présent assaillis par devant par des Lanciers et des Massistes bouillonnant de colère, et par derrière par les flammes.

Slithönn se jeta dans la mêlée et acheva rapidement, avec ses soldats, la quarantaine d'Exécuteurs encore en état de se battre. Puis il releva la tête, et lança un regard plein de reconnaissance à Gliphadd qui l'observait du haut de la deuxième muraille. Celui-ci lui adressa un léger signe de la tête, un doux sourire aux lèvres, puis reporta sa concentration vers l'armée principale, à présent unique cible de tous les projectiles, magiques ou non.

Une puissante clameur se fit entendre, tonnant le nom de Slithönn pour la deuxième fois. Mais cette fois, tous les défenseurs qui se trouvaient au sol reprirent les acclamations en chœur, et un éclat d'admiration et de fierté brillait dans leurs yeux. Slithönn comprit qu'il devait prendre la parole : il s'agissait de raviver une nouvelle fois le courage de ceux qui étaient dès à présent des héros. Il dit simplement :

« Elvindoren, je sais que votre bravoure a été en ce jour maintes fois mise à rude épreuve. Mais cette Porte doit tenir, aussi longtemps qu'il nous restera un souffle de vie. Courons porter secours à nos camarades qui périssent sur nos murailles ! Courons balayer les Âmes Noires et les renvoyer d'où ils viennent ! Courons défendre nos familles et nos terres ! Au mur ! »

Il bondit alors en direction de ce petit escalier, pour la protection duquel ils avaient donné tant d'énergie et de sang. Sans regarder en arrière, il sut que tous le suivaient sans hésitation ; ils étaient tous épuisés, mais leur détermination était de nouveau intacte.


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Ils avaient tout essayé. Les flèches, les carreaux de Baliste, les pierres, le feu, l'ielthan corrosif, tout ; mais rien ne résistait au toit de ce bélier : même les sorts des Enchanteurs étaient restés inefficaces contre cette étrange matière. Bientôt, la porte serait maîtrisée par les Coeurs Impurs, et ils devraient se replier au deuxième mur, occasionnant ainsi de nombreuses morts supplémentaires.

Hivos enrageait. C'était trop idiot ! Avoir résisté aussi longtemps, avoir surmonté maintes épreuves, avoir affronté la peur, le danger et la mort, et céder ainsi, échouer pour un simple bélier... En outre, la Garde Noire s'était à son tour jetée dans la bataille avec une violence effrayante ; apparemment, le mécontentement que les gardes du corps éprouvaient à l'idée que le Général Noir ne se trouvât pas dans leurs effectifs était compensé par leur avidité de massacres. Une imposante machine ingénieuse avait été élaborée, leur permettant de s'élever et de gravir les remparts sur une vaste plaque faite de bois et de métal, protégée par un auvent constitué de la même substance que la toiture du bélier. Le tout était actionné par une grande roue manoeuvrée par des esclaves humains qu'on distinguait à peine sous la lourde armature de l'engin.

C'était cette vague de Gardes Noirs qui avait créé le déséquilibre et rompu la résistance de la portion sud-ouest du mur. Ils avaient gagné du terrain à chaque seconde. Si le Commandeur Slithönn n'avait pas réussi à se débarrasser des Exécuteurs et à apporter ainsi le soutien nécessaire au rétablissement de la situation, la Garde Noire aurait désormais occupé tout le premier mur. Mais, après l'explosion qui avait fait trembler les fondations mêmes de la forteresse, les renforts avaient surgi, et ils avaient tous pu, laborieusement, repousser leurs agresseurs déments. Cependant, la situation n'avait absolument rien d'encourageant, et cela se lisait sur tous les visages exténués des Elvindoren. C'était une lutte de tous les instants, et chaque ennemi éliminé était en contrepartie une source de fatigue supplémentaire pour les défenseurs qui n'avaient cessé de combattre depuis des heures. La fin approchait, lentement, inexorablement.

S'arrachant à ses sinistres pensées, Hivos s'apprêtait à reprendre le combat après quelques secondes de répit, lorsqu'il perçut son nom prononcé fortement : la voix grave et empreinte de charisme du Commandeur Slithönn, bien connue de tous les défenseurs, couvrait à peine le tumulte des combats. Il approchait, entouré d'une poignée de défenseurs, la plupart membres de l'état-major, qui éliminaient les quelques ennemis qui s'interposaient. Quand il fut arrivé au niveau du Chasseur, il lui fit signe de s'écarter de quelques pas, et, atteignant un espace relativement sécurisé, l'observa un court instant et lui demanda sans ambages :

« Avez-vous tout relaté à Tùnglin, le Capitaine des Tireurs Blancs, quant à votre mission ?
- Eh bien... en fait, non, Commandeur, hésita Hivos. J'ai déjà fait un rapport, le voici plus en détails : le Dynaste Noir est très prudent ; ses lignes sont bien surveillées, et ses troupes disciplinées, à en juger par le calme relatif qui régnait dans le campement. De nombreux Arbalétriers étaient présents, comme nous avons pu le constater, ainsi qu'un grand nombre de Gardes Noirs entourés de Furies, une poignée de Lanciers et d'Ombres pour couvrir l'arrière de l'ost, ainsi qu'une cohorte inhabituellement importante de Chevaliers. Des Cavaliers Noirs patrouillaient autour du camp, tandis que les Corsaires aidaient des Maîtres des Bêtes à garder quelques Hydres au calme. Ce que j'ai omis, c'est que nous avons vu cinq Sorcières transplanter des arbres d'un endroit à un autre, puis des soldats et même des Hydres... »

Slithönn se rembrunit soudainement. « Des Sorcières... songea-t-il. Voilà pourquoi je ne m'attendais pas du tout à l'arrivée des Exécuteurs et pourquoi elle m'a tant surpris ! Je pensais les sortilèges qui gardaient le passage assez puissants pour ne pas être forcés... »

« Nous avons supposé qu'elles essayaient leurs sorts en vue d'une téléportation plus massive à l'intérieur des murs.
- Et pourquoi n'ai-je pas été prévenu plus tôt ?
- Je considérais l'arrivée des Exécuteurs plus urgente et plus grave, dit Hivos, visiblement très gêné ; c'est pourquoi je l'ai annoncée de prime abord au Capitaine Tùnglin, mais j'avais bien évidemment vu qu'il était trop tard. J'étais tellement bouleversé par ce que j'avais vu, par la mort certaine de mes compagnons, et parce que j'avais été trop lent, que je n'ai repensé aux Sorcières qu'une fois le Capitaine Tùnglin reparti rapidement. Le chaos est tel ici que je n'ai pu...
- De toute façon, les Sorcières ne se sont pas encore dévoilées, dit Slithönn, coupant court aux excuses du Chasseur, et considérant sa jeunesse comme une excuse suffisante, même si indésirable, à son état de trouble. Mais cela ne saurait tarder, et les dégâts seront considérables si nous ne parvenons pas à trouver une parade... »

Pour la première fois depuis le début de l'affrontement, et sans doute depuis maintes années d'intrépides combats, Slithönn laissa imperceptiblement transparaître son inquiétude profonde sur ses traits toujours si confiants. Slithönn venait probablement de prendre conscience que la victoire n'était plus qu'un songe miroitant et lointain, et que ce n'était plus l'espoir mais la résignation qui guidait le bras des défenseurs. Cela n'échappa pas à Hivos, et le toucha plus encore que la pire des ruses ennemies, sans manquer également de le culpabiliser pour sa sottise. Il faisait réellement un bien piètre messager.

Mais la ténacité du Commandeur reprit aussitôt le dessus, et il annonça à son Etat-major, de sa voix puissante et ferme : « Nous devons nous préparer à repousser cette nouvelle fourberie ! Je veux qu'un Tireur sur deux quitte le Second Mur, descende se poster de chaque côté de la Cour Intérieure et se tienne prêt à tirer, et que les deux Murs soient prévenus du nouvel assaut interne imminent. Je cours pour ma part avertir les Enchanteurs. »

Les membres de l'Etat-major s'esquivèrent promptement, hormis l'un d'eux, qu'Hivos ne connaissait pas, plutôt petit mais apparemment vif et agile, et qui escortait le Commandeur à travers le chemin de ronde glissant de sang ; Slithönn, avec ce qui lui restait de sa traditionnelle malice, il dit à Hivos pour le réconforter un tant soit peu :

« Finalement, votre arrivée ici aura été bien plus profitable que ne laissait prévoir votre retard. J'ai toujours dit et je maintiens que les Chasseurs Emeraudes pouvaient être d'une certaine utilité quand ils le désiraient.»

Il allait s'éloigner en vitesse, mais il se retourna et observa :
« Au fait, les Chasseurs Emeraudes et les Archers du Tigre n'ont-ils pas en commun la discrétion dans leur formation ? Je pense à un moyen de tenter d'éliminer les Sorcières... A combien pensez-vous pouvoir franchir le passage par lequel vous êtes entré dans la Porte, sans être repérés ?
- Une dizaine devraient pouvoir passer sans trop de problèmes, répondit Hivos, qui saisissait déjà le dessein du Commandeur.
- Bien. Liniell, enjoignit-t-il à l'Elvindoren qui était resté à ses côtés, hâtes-toi d'aller quérir les dix Archers du Tigre les plus valeureux du Second Mur. » L'intéressé partit sans un mot, visiblement réticent à laisser le Commandeur seul mais trop habitué à lui obéir sans hésitation pour protester. « Hivos, continua Slithönn, vous savez ce que j'attends de vous. Vous mènerez les Archers du Tigre, car vous avez déjà été sur le terrain. Je ne doute pas de votre vaillance, alors n'en faites rien vous-même. »

Hivos avait bien compris ce qu'il avait à faire. Le Commandeur lui offrait à la fois le commandement d'un détachement et une occasion de prouver sa valeur, ne tenant pas compte de la maladresse dont il avait fait preuve. Alors que le Commandeur tournait les talons, il se promit de s'en montrer digne.

Foulant au pas de course les pavés de pierre blanche mais souillée de pourpre qu'il connaissait tous par coeur, Slithönn s'efforça de garder son calme et de continuer de penser comme le ferait un bon Commandeur. L'exercice était assez ardu.

« Le seul point positif de cette sournoiserie de plus est qu'elle n'advient tout de même pas au pire instant, car ce moment est déjà passé : il s'agissait de l'attaque des Exécuteurs. Les Ensorceleuses ont dû être surprises par l'explosion que j'ai provoquée il y a quelques minutes. Elles ne tarderont pas à réagir. »

Parvenu sur l'étroit pont reliant les deux Murs, il se hâta d'autant plus à cette idée d'aller avertir les Enchanteurs. Il devait rejoindre ses soldats dont le moral ne pouvait être maintenu que par des apparitions fréquentes de sa part, pour leur rappeler leur fierté d’être Elvindoren et leur dévouement à leur Commandeur, mais il tenait d’abord à informer personnellement les Enchanteurs, aussi bien parce que Gliphadd était un ami de longue date que pour s’enquérir des chances qu’ils possédaient de contrer la sorcellerie adverse. Il se doutait pourtant de la réponse.

***

La porte gémissait. Les impérieux retentissements de résistance qu'elle opposait au début aux coups de butoir du monstrueux bélier s'étaient mués en grincements implorants. Elle allait céder d'un instant à l'autre, à moins que les Enchanteurs ne réussissent à détruire la tête de manticore.

En effet, après avoir été implorés de trouver une solution, et à la suite d'innombrables essais, ils étaient parvenus, en ayant recours aux plus anciens enchantements qu'ils connaissaient, à élaborer un sort complexe auquel le bélier était sensible.
Il s'agissait d'un enchantement destiné à ronger le bois et le métal qui constituaient la structure : même si cette dernière n'était pas exempte de sortilèges défensifs, elle était toutefois moins invulnérable que l'étrange matière qui constituait le toit, dont Gliphadd lui-même avait avoué ne pas comprendre l'essence. Mais dès que la nouvelle s'était répandue dans les rangs ennemis que le bélier faiblissait, les Sorcières avaient décidé de se révéler, le bélier étant le seul moyen en leur possession de détruire le puissant édifice.
Elles s'acharnaient à présent à contrer les efforts des Enchanteurs, leur rendant la tâche presque inefficace.

Slithönn, qui devait prévoir l'éventualité de la chute de la porte, organisait un possible repli des troupes sur le Second Mur. Le Premier Mur fut rapidement divisé en une dizaine de portions qui devraient, quand on le leur ordonnerait, se précipiter sur l'escalier partant du sol et grimpant le long du Second Mur ou sur le pont aérien, les deux seuls passages menant au Second Mur.
Quelques soldats supplémentaires furent également désignés pour acheminer les blessés dans les salles d'infirmeries, dissimulées non loin derrière le Second Mur dans les falaises adjacentes, afin de ne pas bloquer l'évacuation.
Mais si la Porte toute entière tombait aux mains des Druchii, la dissimulation des infirmeries serait inutile, car rapidement découverte par ces Elfes spécialistes de la fourberie. Le sort des blessés serait alors sans doute encore moins enviable que celui de ceux qui tombaient au combat.

Sentant proche la fin de la résistance de la porte, Slithönn se résigna à amorcer le repli : les contre-sorts des Ensorceleuses étaient trop puissants pour que les Enchanteurs mettent le bélier à bas à temps. Cette décision était irrévocable, car une fois presque entièrement dégarni, le Premier Mur tomberait promptement ; mais c'était sa décision.

« Premier détachement, repli ! », cria-t-il avec détermination. Parfaitement coordonnés, les soldats situés aux extrémités du mur quittèrent aussitôt le combat à reculons alors que le front s'étirait et qu'ils étaient remplacés, et ils purent quelques secondes plus tard s'élancer vers la passerelle, la traverser, toujours en ligne de bataille, et prendre position derrière les Tireurs Blancs.

« Second détachement, repli ! » Le front s’étira encore. Les Cœurs Impurs remarquèrent bien la baisse du nombre de défenseurs, mais se rendirent également compte qu’il ne s’agissait pas d’une fuite, mais d’une retraite organisée, ce qui les agaça grandement. Pourtant, les Elvindoren donnèrent des signes de panique devant le peu d’effectifs qu’ils représentaient devant les druchii furibonds. Slithönn devait réagir rapidement.

« Troisième détachement, repli ! » L’étirement s’était mué en étiolement. Il ne restait même plus la moitié des défenseurs qu’on pouvait compter quelques secondes plus tôt.
Tenir tout le mur était impossible, et les deux détachements restants, les combattants les plus aguerris selon le vœu de Slithönn, après avoir laissé passer le troisième détachement, abandonnèrent brusquement, avec un soulagement évident, la majeure partie du Mur, qui fut aussitôt empli de Renégats. Ils se regroupèrent autour de la passerelle où, déjà assaillis lors de la traversée par des carreaux d’arbalètes tirés des extrémités du Premier Mur, ils gagnèrent le Second Mur par petits groupes.
Puis, sur un ordre de Slithönn qui était resté parmi eux, la dernière phalange abandonna sa position dans le désarroi, et quand les survivants de cet ultime bataillon franchirent enfin la petite mais lourde porte qui barrait le passage de la passerelle vers le Second Mur, et qui se referma juste derrière eux, ils n’étaient plus qu’une maigre poignée. Le Premier Mur était enfin pris..

Après quelques coups de bélier supplémentaires, un craquement sonore et inquiétant se fit entendre, accompagné d'un bruit net de métal cassant : la porte et la tête de manticore étaient toutes deux totalement à bout. Ce serait au prochain coup que l'on serait fixé sur la question de savoir laquelle céderait en premier.

Ce furent les deux. En même temps que la porte se brisait, le bélier s'effondrait, défense abattue et menace terrassée. Mais la perte du bélier n'importait pas, il avait rempli sa mission. Il gênait simplement l'avancée frénétique mais ordonnée des Druchii, qui s'étaient mis à hurler avec entrain leur joie démente, dès que la porte s'était avouée vaincue.

La confusion qui s’était installée sur le Second Mur se dissipa peu à peu. Pour le moment, les deux uniques passages qui y menaient étaient clos par une solide porte, et tout le matériel d'assaut ennemi était en déplacement, par la porte ou par-dessus le mur. Slithönn vit avec colère que même la machine infernale qui permettait d'élever quelques troupes au niveau de la muraille pouvait passer par la porte.
L'ordre revint et les tireurs de toutes sortes reprirent position pour abattre leur ultime grêle. Celle-ci fut furieuse et meurtrière, d'une autorité désespérée et imposante. Mais elle ne suffit pas, d'autant plus qu'aucun enchantement ne pouvait la soutenir.

Déjà, des béliers portatifs assaillaient les petites portes. Déjà, les échelles s'abattaient, innombrables, et semblaient encore plus envahissantes que sur le Premier Mur. Déjà, les combats reprenaient, et la fatigue se lisait toujours plus sur chacun des visages, dans chacun des regards qui n'avaient contemplé que sang, ombre et douleur depuis le matin.
A présent, le jour déclinait et les nuages se dispersaient enfin. Slithönn remarqua alors que la pluie avait cessé depuis un long moment. Les archers, qui ne pouvaient plus tirer dans ce tumulte, abandonnèrent alors leurs arcs et tirèrent leurs épées, et commencèrent à livrer un type de lutte qu'ils n'avaient dans l'ensemble jamais pratiqué ou presque en dehors des entraînements.
Mais leur nombre, qui s'éait très peu réduit depuis la matinée en comparaison de celui des troupes de corps à corps, était au moins aussi important que leur expérience à ce stade de la bataille.

Et l'affrontement reprit, mais les Druchii furent abasourdis par la violence qui les repoussait. Slithönn jugea que la faveur pourrait presque tomber de leur côté si Hivos et ses Archers du Tigre réussissaient très bientôt.
L'ardeur de ses frères d'armes lui insuffla le songe d'un souffle ténu d'espoir, totalement indéfini et irrationnel, mais qui naissait bel et bien. Adressant une dernière pensée à Hivos, occultant la lassitude, il se jeta une nouvelle fois dans la mêlée, ruban mouvant de sinople rutilant, semeur de ruine, icône d'ultime espérance.

***

Les Grandes Sorcières n'avaient même pas suivi l'armée qui s'avançait pour prendre d'assaut le Second Mur, et se contentaient de dissiper à distance tous les sorts que les Enchanteurs tentaient d'élaborer, même si ces derniers étaient invisibles d'où elles se tenaient : l'assurance démesurée du Général Noir était sans limites.
Mais tant mieux : cela facilitait la tâche d'Hivos et ses compagnons, qui n'avaient eu aucun mal à trouver le campement du Dynaste et à s'y infiltrer, d'autant plus qu'il était presque vide. La dernière garde conséquente était partie en compagnie du chef de guerre alors que les Archers du Tigre approchaient : il allait à la victoire une fois celle-ci presque acquise. Apparemment, son assurance se muait en couardise sur le plan personnel.

Onze traits jaillirent d'un fourré pour éliminer discrètement les quelques gardes qui se tenaient assez loin devant l'entrée d'un petit renfoncement de terre vierge à l'orée de la forêt, et qui tombèrent sans bruit, morts sur le coup. Heureusement, rien ne fut remarqué.
Les tireurs purent alors contempler, dans cette semi clairière, pas moins de sept Ensorceleuses, les yeux fermés, assises ou debout, marmonnant des mots de pouvoir. L'une portait des têtes de nains accrochées par la barbe tout autour de sa ceinture ; une Sorcière combattante, apparemment. Hivos comprit alors comment elles pouvaient résister aux Enchanteurs avec succès à une distance aussi longue : à sept contre quatre, évidemment...

Mais leur nombre serait bientôt largement réduit. Hivos fit signe aux Archers de s'approcher des Sorcières en formant un demi-cercle, toujours cachés par les arbres. Il tira un autre javelot de sa réserve, ses compagnons encochèrent leurs flèches. Le manque flagrant de prudence du Général aurait un prix qu'il était bien décidé à lui faire payer.

***

Le Second Mur avait été rapidement submergé, malgré la détermination des défenseurs. Ces derniers avaient été repoussés dans les escaliers et jusque loin dans le défilé, ils avaient reculé et presque atteint le niveau des infirmeries. Les Ames Noires exultaient.
C’est alors qu’il avait demandé aux Enchanteurs de lancer leur dernière incantation ; elle avait achevé de les épuiser, mais les Sorcières Noires ne s’attendaient pas à ce genre d’enchantement : la surprise avait permis à Gliphadd et ses confrères de réussir.
Un voile brun et opaque s’était étendu sur les premiers rangs Druchii, et les avait enserrés, progressivement arrêtés, puis, lentement, repoussés vers le Mur, ainsi que, nécessairement, ceux qui se trouvaient derrière eux.

Les Elvindoren avaient alors pu s’arrêter de reculer, mais n’avaient pas poursuivi leurs ennemis, préférant, pragmatiques, épargner quelques instants leurs muscles asphyxiés, créant ainsi un espace inoccupé de quelques dizaines de mètres entre les deux fronts.
Puis Phaleor et Ardel, le plus âgé et le plus jeune des quatre Enchanteurs, étaient tombés : deux carreaux vengeurs particulièrement bien placés, tirés du haut du Second Mur.

Slithönn observa alors ses hommes, et vit que la foi qu’il avait une fois de plus ravivée dans leurs cœurs, sur le Second Mur, s’était à présent dissipée définitivement.
Les défenseurs n’avaient après tout, effectivement, plus aucune chance de salut : aucun mur ne les protégeait plus de la marée adverse, toujours considérable, alors qu’eux-mêmes avaient vu leur nombre progressivement réduit de moitié, voire même plus à présent que le Second Mur était pris et que les combats se déroulaient à nombre égal de soldats engagés au corps à corps.
Slithönn s’étonna que le véritable désespoir ne surgît en lui qu’à cet instant même : il pensait pourtant s’être fait à l’idée que la bataille était finie et perdue. Curieux, comme l’espoir revient, encore et encore, immanquablement, si difficile à abandonner, même dans les situations les plus désespérées. Il serait pourtant si simple qu’il nous quitte sans faire d’histoire.

Mais peu importait. Qu’avait-il imaginé ? Qu’ils puissent l’emporter ? Présomption, rien de plus.
Il l’avait d’ailleurs très bien réalisé, puisqu’il avait envoyé la troupe d’Hivos à une mort certaine : ce qui comptait à présent, comme cela avait été durant toute la bataille, en fin de compte, était d’infliger le maximum de dommages à l’Armée Noire, alors que préserver autant que possible la vie des Elvindoren, ce qui avait été sa priorité durant toutes les batailles qu’il avait eues à mener, passait cette fois au second plan.
Car la Porte était perdue, ce qui impliquait de toute façon le trépas de tous les défenseurs. Cela, tous à présent l’avaient compris.

Et ce n’était pas si funeste, en définitive, car les défenseurs lutteraient d’un pied ferme et assuré, totalement résignés à périr, à défaut de douter comme si quelque espérance avait encore subsisté.
Et ceci contribuait paradoxalement à améliorer leurs chances d’achever de porter un coup décisif à leurs ennemis. Acculés, les quelques Elvindoren qui ne gisaient pas encore parmi leurs compagnons ayant rejoint un monde assurément plus clément que celui-ci, auraient dû être exterminés un par un, car ils n’auraient pas pu résister à une charge de plus.

Mais leur détermination à tous, et leur profonde affection envers leur Commandeur qui les avait menés avec bravoure et fermeté durant toute la bataille, leur permit d’obéir sans la moindre hésitation quand, prenant au dépourvu les Cœurs Impurs qui avaient retrouvé leur liberté de mouvement et se croyaient à présent intouchables, Slithönn ordonna calmement, non de tenir bon après ce léger répit, mais de charger.
Car le champ était libre. Slithönn courut en tête, défiant de la pointe de Verlame le Dynaste Noir, situé au premier rang, qui s’était enfin décidé à diriger ses troupes, et que Slithönn n’avait pu repérer qu’à cet instant.

***

Cette fois-ci, les onze traits surgirent des arbres situés au fond de la demi clairière. Mais les Sorcières réagirent à la vitesse de l’éclair, et Hivos et ses compagnons les observèrent, ébahis, qui disparaître pour se matérialiser de nouveau un mètre plus loin, qui absorber les projectiles dans un pan de sa robe, ou les faire exploser en une gerbe d’étincelles.
Deux d’entre elles ne furent cependant pas assez rapides et s’effondrèrent, l’une la gorge transpercée, l’autre touchée en plein cœur.

Les Elvindoren n’eurent plus une seconde pour réfléchir : en un instant, des soldats druchii, qui étaient restées dissimulées à distance raisonnable de la clairière et n’avaient remarqué leur présence que maintenant, se ruèrent vers eux pour les exterminer, et au même moment les Sorcières réagissaient en commençaient à se protéger et à leur envoyer de sombres projectiles magiques.
Sur un mot d’Hivos, ils sautèrent lestement de leurs perchoirs et se précipitèrent sur les Ensorceleuses.

La Sorcière combattante se plaça devant les quatre autres et dégaina deux lames courtes alors qu’un Archer était balayé par l’une des boules noires informes, puis le corps à corps s’engagea.
La Sorcière combattante tua deux Archers avant qu’Hivos n’engage un combat contre elle, et autour les autres Archers se débarrassèrent d’une Ensorceleuse avant d’être bloqués un mur invisible. Lorsque Hivos parvint à terrasser son adversaire après une brève lutte, une détonation se fit entendre et les huit survivants furent projetés au centre de la semi clairière.
Quand la poussière s’effaça, ils étaient encerclés par une cinquantaine de Gardes Noirs. Les trois Sorcières restantes étaient partagées entre la rage d’avoir perdu leurs consœurs, le triomphe d’avoir survécu et l’impatience de l’extermination qui s’annonçait.

Ainsi donc, Hivos périrait de la même façon que ses frères de chasse. Ce n’était pas plus mal, car il saurait se montrer digne de leur courage, leur rendant ainsi un ultime hommage.

Le rictus avide des Gardes Noirs qui les entouraient, immobiles, l’aurait fait trembler de peur, la veille. Mais pas aujourd’hui. Plus maintenant. A peine l’un des Gardes avait-il commencé à s’impatienter, devant ces quelques âmes prêtes à être torturées, qu’Hivos s’élança, ses dagues bien calées dans ses doux gants de cuir.
Son regard sembla faire hésiter le Garde qui lui faisait face.

***

Le général Druchii aperçut le Commandeur et accepta le défi avec un petit rire condescendant. Les quelques soldats des deux camps qui avaient remarqué le bref échange s’empressèrent de prévenir leurs compagnons par des signes surexcités. Alors que la charge Elvindoren frappait de plein fouet les lignes Sombres, un cercle de quelques mètres de diamètre se formait naturellement autour des deux elfes, fine fleur de chacune des deux armées.

Le Dynaste avait anticipé et paré avec dédain la première feinte de Slithönn, et sa riposte avait été habilement esquivée par le Commandeur . Le duel se poursuivait maintenant, et Slithönn essayait tant bien que mal de ne pas perdre la précieuse fraction de seconde d’avance que lui avait procurée sa charge. Il avait cependant toutes les peines du monde à éviter les deux armes de son adversaire, coordonnées avec une maîtrise impressionnante.

La première était une longue et lourde épée noire, aussi richement décorée qu’on pouvait s’y attendre de la part d’un Dynaste, légèrement recourbée et pourvue de dents vicieusement effilées près de la garde. elle laissait dans son sillage une traînée indistincte et presque scintillante oscillant entre un violet très sombre et un bleu de nuit.
La seconde était un fouet, noir également aux multiples et longues lanières terminées par de petits globes rougeoyants pourvu de maintes épines cruellement acérées. Son manche était entrelacé de nombreux minces filets d’argent représentant des signes cabalistiques. Un petit pommeau et une garde circulaire achevaient le tout, tous deux de l’obsidienne la plus fine.

Les deux objets n’étaient pas dépourvus d’une certaine beauté qui aurait étonné Slithönn s’il avait eu le temps d’y songer ; ce qu’il avait cependant remarqué, c’était que leur nature confirmait l’idée qu’il se faisait de leur propriétaire : les deux armes offensives particulièrement perverses symbolisaient à merveille un caractère à la fois arrogant et retors.
Elles contrastaient totalement avec l’épée simple, même si enchanté et d’excellente facture, et le bouclier très maniable que possédait Slithönn, tous deux choisis dans un souci d’efficacité pragmatique.

Le Commandeur n’avait jamais affronté d’ennemi aussi puissant, et le fouet de son adversaire le tourmentait incessamment, car son bouclier ne suffisait pas à parer la totalité des filaments. Il était donc obligé de les esquiver en partie, ce qui retenait toute son attention et lui permettait uniquement de menacer son adversaire, sans pouvoir lui porter de coups décisifs.
Le Dynaste semblait s’en rendre compte et s’en amuser, mais l’adresse de Slithönn l’empêchait de trop détourner son attention du combat lui-même.

Tout autour, les combattants étaient partagés entre l’envie d’abattre leurs ennemis et celle d’admirer la splendeur de cet affrontement, au sommet de l’art martial le plus accompli, et que même les Druchii étaient capables d’apprécier à sa juste valeur ; et cette hésitation s’en ressentait largement dans la vitesse de la lutte.
Mais les deux protagonistes étaient trop absorbés dans leur duel pour le remarquer, et entre eux tout n’était qu’attaques, feintes, parades, ripostes, sauts, estocades, esquives et grondements d’effort et de douleur.
Slithönn avait d'ores et déjà du mal à soutenir la cadence initiale, mais il jugeait qu’il en allait de même de son adversaire : la pression était constante, et il commençait à croire que le duel se jouerait principalement sur leurs endurances respectives.

Son armure était déjà entamée en de nombreux points, sa joue droite s’était vue arracher un lambeau de chair par un globe meurtrier et l’élançait continuellement
Son bouclier – ainsi que son bras gauche par la même occasion - ne faisait qu’encaisser le martèlement continuel du cimeterre et du fouet, dont il remarqua qu’aucune pointe aux extrémités ne s’était fracturée ni aucune lanière sectionnée, malgré les chocs répétés et bien qu’il tentât fréquemment de trancher les filaments : un sombre magie protectrice était à l’œuvre sur cette arme.

Il avait pour sa part su tirer profit du manque de protection de son adversaire - quoique ce dernier se servît aussi bien de ses armes défensivement qu’offensivement – en arrachant à l’armure du Dynaste quelques mailles et une pièce d’acier située près du cou, et en portant un coup à la protection du poignet droit de son adversaire, ce qui ralentissait visiblement son cimeterre.
Quoi qu’il en fût, les deux ennemis étaient probablement de valeur équivalente à présent que l’épée du Dynaste était ralentie.

Mais Slithönn était maintenant persuadé qu’en poursuivant ce style classique de combat, il finirait par céder. Son adversaire était plus expérimenté et apparemment plus résistant que lui. La pluie de coups précis, de parades parfaites et de ripostes rapides comme l’éclair finirait par tourner à son désavantage.
Il s’efforça donc de changer de tactique, et commença de porter des coups plus inhabituels tout en conservant une défense digne de ce nom. Feignant de se baisser, il lança son pied tout droit sur le poitrail du Dynaste, qui s’effaça en lui assénant une énorme frappe de flanc avec ses deux armes simultanées, que Slithönn para tant bien que mal de son bouclier.
Son bras accusa lourdement le coup alors qu’il envoyait Verlame à l’assaut des deux bras tendus de son ennemi.

Celui-ci se rétracta au dernier instant, tout en effectuant un coup de pied latéral sauté ; les bottes renforcées de fer auraient lacéré le visage de Slithönn s’il ne s’était baissé pour balayer les jambes du Dynaste, qui bondit de nouveau en abattant son cimeterre sur le crâne et son fouet sur le flanc du Commandeur.
Mais celui-ci avait prévu le coup, et les cruelles sphères rencontrèrent l’acier de l’écu et le charmalis de l’armure, tandis qu’une gerbe d’étincelles multicolores naissait du contact entre le cimeterre du Dynaste précipité vers le bas et l’épée du Commandeur prestement tendue en quinte.
Se relevant, Slithönn aperçut un sourire triomphant incompréhensible sur les traits du général Noir. Profitant de ce possible moment de distraction adverse, il feinta une frappe de son bouclier, puis tourna sur lui-même pour décapiter le Dynaste, d’un geste précis et net.

Mais le général Noir fut le plus rapide. Alors qu’il tournait le dos à son adversaire, Slithönn fut arrêté à la moitié de son mouvement par une douleur fulgurante au dos qui le stoppa net.
Alors qu’il s’effondrait sous la souffrance et la puissance du coup, il comprit le sourire énigmatique du Dynaste : celui-ci avait sans doute remarqué la large entaille au dos de la propre cuirasse de Slithönn lorsqu’il s’était baissé pour tenter de faucher son adversaire ; le Général Noir avait alors su qu’il lui suffisait de profiter de l’aubaine sans être gêné par la résistance magique de l’armure.

Les forces de Slithönn l’abandonnaient rapidement, et il lui sembla tomber pendant une éternité. Cela le surprit malgré son état léthargique, car il n’avait jamais ressenti cela d’aucune blessure précédente.
« Bien sûr, fut-il cependant capable de réaliser. L’arme était empoisonnée… Je n’ai donc plus longtemps à vivre. »

Il se sentit soudain soulevé par une force étonnante. Il reconnut la voix de Liniell quand celui-ci lui dit en tenant de masquer son désespoir : « Seigneur Slithönn, je vais vous emmener en lieu sûr. » Slithönn trouva la force de répondre : « Je te remercie d’avoir réussi à me récupérer… le Dynaste m’aurait sans doute… réduit en pièces… mais ne te soucie… plus de moi à présent… la lame était empoisonnée… je vais mourir…
- Ne dites pas de bêtises. » Des sanglots commençaient à percer dans sa voix. « Vous allez vous rétablir, l’entaille n’est pas si profonde.
- Tu sais bien… que non… Là-haut, dépose-moi… » souffla-t-il en désignant du doigt le versant nord-est du défilé.

Liniell, suivi de Minfeös ainsi que de Juhan et Ranydion, les deux Enchanteurs survivants, accepta l’ordre de son Commandeur. Grâce à la charge presque instantanée des troupes Elvindoren ayant assisté au duel, dès que Slithönn avait mordu la poussière, il avait pu récupérer son corps brisé et l’avait porté derrière les combats.
Mais comme l’avait dit Slithönn, avec le poison druchii sa mort n’était plus qu’une question de temps.

Il commença donc de grimper, par un chemin dissimulé, les rocailles du versant du défilé, pour atteindre l’endroit où son Commandeur voulait reposer à jamais. Deux Enchanteurs, un Capitaine, un Garde du Corps et un blessé devraient passer inaperçus des tireurs ennemis placés sur le Second Mur.

Entendant, en s’éloignant, le tumulte de la bataille, les chutes et les sifflements des projectiles, les cris et les entrechocs des armes, plus assourdissants et plus agressifs qu’il ne les avait jamais entendus, Slithönn se répéta que la bataille était bien perdue.
Seule la mort viendrait récompenser la souffrance et le courage de ses frères d’armes. Une fin bien ingrate pour ces héros qui s’étaient montrés bien plus dignes de leur Commandeur qu’il ne pensait lui-même le mériter.

***

Slithönn expirait, ses quatre compagnons penchés sur lui, veillant sur le corps meurtri de leur Commandeur estimé. Ce dernier savait qu’il n’y aurait pas eu de meilleur endroit pour être inhumé : ce lieu était magnifique, avec à l’est les Monts du Milieu scintillants de neige dans la brillance dorée du soleil couchant, et à l’ouest, en contrebas, une verte prairie devant une forêt millénaire…
Et ainsi, il pourrait reposer au-dessus de l’emplacement où avait eu lieu l’action la plus importante de sa vie, même si cela s’était terminé... non, était en train de se terminer en un véritable massacre.

Il n’était pas parvenu à se débarrasser du Général Noir, ses ennemis avaient vaincu et emporté la vie d’innombrables Elvindoren, et il n’était même plus là pour accueillir la mort en leur compagnie...
Son échec était total, et la honte grandissait en lui. Il ne méritait même pas l’attention de ses amis, qui avaient risqué leur vie pour ramener son corps et veillaient à présent sur lui avant de l’ensevelir.

Son œil fut à ce moment attiré par un joyeux éclat argentin. Il releva faiblement la tête et contempla la gracieuse apparition, au sommet d’une légère éminence herbue située à l’ouest de la Porte, d’un petit groupe de Lions-Lune, leur fourrure chatoyante réfléchissant le rouge sombre mais radieux du soleil couchant. Ils étaient venus se joindre au combat, malheureusement achevé depuis longtemps du côté extérieur de la Porte.

Cela ne sembla pas les affecter outre mesure, et ils se dirigèrent vers les portes brisées pour rejoindre le combat final. Slithönn sut dès lors qu’il pouvait en réalité rejoindre ses ancêtres sans crainte : l’arrivée des Lions, bien qu’elle fût héroïque, car ils allaient combattre seuls contre l’Armée Noire entière et encore en nombre impressionnant, n’était que peu de choses et allait être balayée sous peu.
Cependant elle lui avait permis de prendre conscience de la réelle situation : tout n’était pas si noir, car le Commandeur et ses compagnons n’étaient pas seuls pour défendre leur terre. Bien que la bataille fût perdue, les Druchii avaient vraisemblablement perdu trop des leurs, grâce à la résistance exemplaire menée par Slithönn, pour espérer l’emporter sans défaite.
Viendrait un jour, fût-ce même dans la capitale, où les Elvindoren vaincraient, et l’Ost Noir serait repoussé. Elvindor ne serait pas prise. Car ses compagnons d’armes et lui avaient mené cette bataille en braves, faisant preuve d’une hardiesse rivalisant avec celle des héros des chants ancestraux.

Et après tout, c’était la mort que Slithönn aurait choisie, glorieuse en fin de compte, l’arme au poing et en compagnie de ses frères de combat.
Mais il appartenait dorénavant à d’autres que lui de prendre le relais, et de rejeter définitivement leur Sombre Ennemi ; c’était à présent à lui d’accorder sa confiance. Et il avait confiance en sa terre et en son peuple.

Les Rivages Blancs l’appelaient déjà quand il se demanda comment serait contée la Bataille de la Porte du Défilé, et si l’on chanterait encore son nom durant les siècles d’après les siècles de son temps.

Belannaer


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"Les dieux sourient aux armées ayant l'infanterie la plus disciplinée, la cavalerie la plus rapide, les archers les plus précis et les meilleurs généraux." Annuriel de Cothique
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