Par l'épée et l'aura.
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Deux derniers lasers se perdirent dans les airs, puis plus rien. Le silence, pendant quelques secondes, et le bruit de pas qui s'éloignent ensuite. Le sergent Archos resta immobile, allongé derrière une souche d'arbre, le temps que ses ennemis soient suffisamment loin. Il se releva alors, et fit signe à ses hommes de l'imiter. Immédiatement, six formes émergèrent du sol et se rassemblèrent autour du sergent Pruxien. Archos les regarda attentivement, un par un ; ils étaient tout ce qu'il restait de son peloton, trente hommes au départ, six à présent, après deux semaines de combats en dehors de l'enceinte de la ville. Il les connaissait tous, il savait lequel il fallait assigner à quelle opération, il connaissait leurs points forts et leurs points faibles, il les aimait, c'était ses hommes !
« - Personne ne manque, demanda le sergent à voix basse ?
- Non sergent, on est tous prêts à aller tuer ces sales xénos, lui répondit un soldat !
- Très bien. Maintenant les gars on a le choix. Soit on rentre vite fait dans les murs, pour rapporter au général les informations qu'on a déjà et lui faire un topo. Soit on en envoie un seul faire ça, et les autres vont se battre jusqu'à la mort en emportant le plus d'aliens avec eux ! »
Il cracha par terre, en attendant la réponse de ses hommes. Il ne doutait pas de cette réponse, il savait que la vraie question était autre.
En effet, ses hommes choisirent à l'unanimité la deuxième solution. Il fallut ensuite plusieurs minutes pour déterminer qui devrait rentrer à l'abri, tous voulaient se battre. Tous voulaient faire payer à leurs adversaires les défaites subies. Ce fut Darwi qui fut désigné pour cette mission, parce qu'il connaissait mieux le terrain que les autres, et parce qu'il avait encore une femme en vie à Communa, s'il avait une chance de la revoir, il fallait qu'il la saisisse, les autres n'avaient plus cette chance. Les adieux durèrent longuement, Darwi remit son fusil laser à son sergent, et celui-ci lui mit son pistolet laser entre les mains. « Ce sera beaucoup plus efficace pour courir, » dit ce dernier. Une larme perla au coin de l'œil du fantassin, à mi-chemin entre la tristesse de ne pas pouvoir accompagner ses camarades jusqu'au bout et la joie de pouvoir peut-être rentrer en vie voir sa bien-aimée une dernière fois. Il salua une dernière fois, puis disparut en courant, au travers des restes de forêts et de champs, en direction de la capitale.
Les six derniers soldats, le sergent compris, s'élancèrent immédiatement à l'opposé du chemin de Darwi, sans prêter attention à leurs gestes, cassant des branches et faisant fuir les animaux. Tout était bon pour donner toutes ses chances au seul homme capable de prévenir la capitale du danger qui grandissait toujours plus.
Après six cent mètres, le peloton reprit sa formation de combat. Deux hommes devant, en éclaireurs, celui de droite suivi à deux mètres par un troisième. Un autre sur chaque flanc, enfin un dernier qui couvrait leurs arrières. La tension était palpable dans l'air, chaque soldat tenait son fusil laser serré contre lui, l'œil collé dans son viseur, paré à tirer. Archos, placé en position de meneur, deux mètres derrière Juan, dirigeait le groupe.
Breer partit en avant, en se dissimulant du mieux qu'il pouvait entre les arbres et les cratères d'obus. Quelques longues minutes après son départ, des bruits de lasers se firent entendre, des échanges de coups de feu. Mais ce n'étaient pas des lasers qui répondaient aux lasers, le son était sourd et saccadé, des décharges d'énergie tirées coup par coup, chacune répandait un écho dans les bois qui semblait pouvoir anéantir toute une armée. « Breer, réponds ! Qu'est-ce qui se passe ? Donne ta position ! Breer ! » s'époumona Archos dans le micro collé contre sa gorge. Un grésillement, puis le silence. Seules continuaient les rafales d'énergies auxquelles répondaient des tirs de fusil laser de plus en plus sporadiques. Au moins Breer devait être vivant, s'il était encore capable de tirer. Archos pesait le pour et le contre. Il pouvait attendre un signal de son éclaireur pour agir, ce qui n'arriverait peut-être jamais, et alors il perdrait un de ses meilleurs hommes. Il pouvait également foncer pour essayer de le retrouver, mais si jamais les xénos avaient déjà conquis la zone, alors il conduirait ses hommes à une mort certaine. Il allait se décider de foncer, quand la voix de Breer hurla dans son oreillette. « Putain sergent, j'suis bloqué ! Bloqué ! Ils saturent la zone, quatre cent mètres à une heure ! Aidez-moi sergent, j'vais pas tenir longtemps ! »
La détonation d'un tube-charge retentit non loin, déracinant un arbre et faisant fuir plusieurs groupes d'oiseaux encore vivants. Le groupe s'élança immédiatement à la recherche de leur éclaireur. « En ligne, en approche de combat et à couvert dès le premier contact ! Juan, tu sors Breer de ce merdier, les autres en couverture. Allez les gars, et que l'Empereur vous garde ! »
Deux rais de lumière bleue passèrent devant les yeux des gardes impériaux, un déluge de traits blancs fusèrent vers la position d'où provenaient les tirs. Trois xénos s'écroulèrent, leurs corps tombèrent de la position surélevée depuis laquelle ils mitraillaient la cachette de Breer. Les humains se dissimulèrent aussitôt derrière les gros troncs noueux de leur forêt natale, deux par deux. Juan se mit à ramper vers Breer, à gestes lents, s'arrêtant derrière chaque couvert qu'il pouvait trouver. Archos abattit un alien d'un coup bien placé dans le torse. Le Pruxien à ses côtés s'écroula une poignée de secondes plus tard, sa tête dispersée par un tir parfait, en plein dans le crâne. Les échanges de tirs s'intensifièrent. Archos se maudit de ne pas en savoir plus sur l'ennemi, comment savoir combien étaient présents dans la zone ? Il expira un grand coup pour se vider l'esprit, ajusta son oeil dans le viseur de son fusil. Il trouva un xénos plus exposé que les autres, le long canon rectangulaire de son arme dépassait allègrement de l'arbre derrière lequel il s'abritait. Le sergent impérial relâcha l'air contenu dans ses poumons une fois de plus et pressa la gâchette. La forme s'effondra sans un bruit. Mais leur duel tournait à leur désavantage, ils n'étaient plus que cinq et l'ennemi pouvait être encore des dizaines. Ils allaient forcément mourir, pensa Archos.
De son côté, Juan avait rejoint Breer, et il lui apportait un tir de soutien bienvenu. Les deux éclaireurs commencèrent à s'échapper du trou dans lequel se terrait Breer, pas après pas. Un point rouge s'attarda sur le front de Juan, l'instant d'après, un tir guidé comme par magie lui fit exploser le cerveau. « Putain ! Juan ! » cria le survivant dans son micro, mettant ainsi toute l'escouade au courant de la perte de son deuxième éclaireur. Dans un hurlement sinistre dans lequel on pouvait entendre tout le désespoir de Breer et sa certitude de la mort, celui-ci décrocha les grenades de la ceinture du mort et les lança toutes dans un tir groupé vers les positions ennemies. L'explosion qui s'ensuivit embrasa toute la clairière, plusieurs arbres tombèrent alors que des monceaux de terre volaient dans les airs, recouvrant l'ennemi d'une poussière noire et acide qui bloquait la vue. Flynt et Snike en profitèrent pour quitter leur cachette, l'instant d'après ils achevaient les survivants xenos au couteau.
Le calme reconquit la forêt, à l'exception des plantes encore en feu qui continuaient de se consumer. Archos respira profondément, une bouffée d'air qui semblait ne plus être possible quelques minutes auparavant, avant d'éclater de rire.
« - Eh bien Breer, c'était quoi ça ?
Désolé sergent, s'excusa le soldat, ça m'a mis hors de moi de voir Juan mourir comme ça.
Faut pas t'excuser soldat, ça nous a sans doute sauvé la vie ce que t'as fait, sois fier !
Merci sergent. »
Flynt et Snike revinrent de leur tâche de nettoyage, amenant le corps d'un alien avec eux. Archos l'examina avec intérêt, il avait déjà vu ce genre de bestioles, dans un briefing quelconque. L'armure était beige, aux formes arrondies et fines, mais dure comme de l'adamantium. Elle était renforcée sur l'épaule gauche, afin que le tireur ait une protection immédiate lorsqu'il se positionnait pour tirer. Le plastron était lui aussi renforcé, mais les autres parties du corps laissaient à désirer. Les jonctions entre plaques d'armures étaient souples, pour permettre une importante mobilité. Le soldat en position de tir était un roc inexpugnable, puis il bougeait pour prendre un autre poste et recommençait son œuvre de mort. Une armée de tir et de fusillade, murmura Archos dans sa barbe. L'armée parfaite pour des combats en forêt, ou pour assurer un siège. Ils étaient profondément dans la merde. Il ôta le casque arrondi de la tête du xénos. Celui-ci avait une peau bleue, sans nez et sans cheveux, sauf une légère mèche, sur un visage presque carré, très sévère.
« Des Tau ! » s'étonna-t-il.
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Premier sang.
N'hésitez pas à donner vos avis, que je sache ce qui dérange.
Cahuètement.
Hugo.