Le fracas de la bataille se faisait toujours entendre, assourdi, malgré l'épaisseur des murs de pierre.
Le baron d'Esgarde était penché sur la carte détaillée des fortifications de la cité lorsque Braltor, le général des forces naines à Eguillade, entra précipitamment dans la salle, suivi de près par le page chargé du protocole. L'armure de Braltor était tâchée de sang et son visage était maculé de suie. D'Esgarde en déduisit que l'incendie faisait toujours rage à l'est de la ville.
Le nain jeta sa hache sur la table, juste sous le nez du baron qui leva aussitôt la main pour couper court aux protestations outragées de ses conseillers, il connaissait assez bien Braltor pour ne plus s'émouvoir de ses manières.

- Le mur Est va bientôt tomber, annonça le nain d'une voix grave, les orques, maudits soient-ils pour l'éternité, ont commencé à utiliser des tours de siège.

Le baron repoussa la hache qui lui cachait le détail des fortifications à l'est d'Eguillade. Il y avait moyen d'isoler cette partie de la cité pour éviter le pire. Il se tourna vers son aide de camp.

- Sonnez la retraite du mur Est, ordonna-t-il, que les troupes se redéploient sur les fortifications intérieures.

Braltor hocha la tête, il n'y avait rien d'autre à faire. La défense de la cité gagnerait ainsi un temps précieux. Le nain s'étonnait lui-même, il ne pensait pas trouver en ces bretonniens des combattants aussi expérimentés et disciplinés, ils n'étaient que des humains après tout. Mais ils se battaient avec honneur et les guerriers nains de son armée appréciaient particulièrement ce trait de caractère.

Le baron poussa un soupir.

- Croyez-vous que cela nous permettra de tenir assez longtemps, demanda-t-il avec inquiétude, si les fortifications intérieures cèdent, les orques massacreront la population d'Eguillade.

Braltor haussa les épaules. Avant que le siège ne se referme complètement, plusieurs écuyers bretonniens avaient pu fuir à cheval pour tenter de rejoindre le campement, tout proche, d'une armée elfique. Eguillade était située à la frontière entre les Contrées d'Altyaris et la Plaine de la Garde, où se concentrait l'essentiel des forces d'Ulthuan. Braltor, malgré l'alliance toute récente qui unissait les humains, les nains et les elfes des Mordianes, ne faisait pas confiance aux hauts-elfes mais il n'avait pas d'autre choix que d'espérer leur arrivée rapide.
Tout était devenu fou quelques mois auparavant. Braltor venait juste de rentrer à la forteresse après une longue campagne contre les morts-vivants dans la région d'Ediopar. Des messages en provenance des cités humaines d'Altyaris avaient prévenu les nains que des dizaines de hordes faisaient route vers les Mordianes. Le Nal Tornas grouillait de démons et les dans les Terres des Morts les armées de Khemri se levaient de nouveau. Les hauts-elfes eux-mêmes étaient sortis de leur habituel mutisme pour demander et apporter leur aide aux habitants des Mordianes.
Quelque chose attirait les forces maléfiques dans la région, Braltor avait bien son idée là-dessus, et maintenant la région s'enfonçait chaque jour un peu plus dans la guerre.

Le nain récupéra sa hache sur la table et se prépara à rejoindre à nouveau les combats.

- Je ne sais pas ce qui nous attend, dit-il au baron, mais avant la fin du jour, il y aura un peu moins d'orques pour respirer l'air des Mordianes!